Comment on doit dépecer un sanglier

Comment on doit dépecer un sanglier. Je dirai comment on doit chasser le sanglier, quand je parlerai du veneur ; mais quand il est pris, il le doit dépecer de la manière suivante : premièrement, avant qu’il soit trop refroidi, il lui doit ouvrir la gueule autant qu’il pourra et mettre un bâton entre les deux mâchoires pour lui maintenir la gueule ouverte. Après on doit lui couper la hure. Et vous devez savoir que de même qu’on dit du cerf et des douces bêtes la tête, on doit dire la hure de l’ours, du sanglier, du loup et des autres bêtes mordantes. Qu’il prenne donc le sanglier par la hure et l’incise tout autour à trois doigts de l’oreille par-dessus le col, et taille jusqu’à l’os; puis qu’il tourne la tête et elle viendra. Il doit ensuite ôter les traces de cette manière : qu’il prenne le pied de devant et coupe la jointure par derrière, puis le cuir tout le long de la jambe en allant vers le corps. Et dans cette peau il doit faire un trou pour la tenir ou pendre où il voudra, et il fera de même pour l’autre pied de devant. Qu’il coupe ainsi les deux pieds de derrière à la première jointure, près des os, et fasse comme il vient d’être dit; qu’il mette ensuite un bâton d’un pied et demi de long entre les deux jambes de devant et entre celles de derrière en y perçant un trou. Puis qu’il prenne un fort bâton et le mette tout au long sous les susdits bâtons; puis faisant saisir ledit bâton par les deux bouts, qu’il fasse lever et porter le sanglier au-dessus du feu pour qu’il y soit bien flambé et brûlé. Et vous devez savoir que fouaille se doit dire du sanglier comme curée se dit du cerf, parce qu’elle se fait sur le feu, tandis que la curée est sur le cuir du cerf. Qu’on retourne l’animal de part et d’autre, jusqu’à ce que nul poil n’y demeure, mais qu’on prenne garde de le trop brûler. Et qu’il soit battu tout autour à coups de bâton et bien frotté, afin que tout le poil en tombe, puis de nouveau bien frotté avec un torchon. Ensuite on doit le retourner sur le dos, les pieds et le ventre en l’air, et fendre en remontant. Puis on doit fendre les couillons et, mettant le genou sur le ventre, les arracher. Certains les ôtent dès que le sanglier est mort, pour les manger; mais le droit est de les jeter sur le feu pour les chiens. Après on doit prendre le jambon droit de devant et inciser le cuir en rond au droit du coude; puis insérer le couteau entre le cuir et la chair et couper la chair en descendant. On doit ensuite tirer à soi le jambon en tordant et frapper avec le dos d’une hache pour rompre l’os, puis couper le cuir et la chair au niveau de la brisure. Et l’on doit placer le jambon appuyé sur les côtes du sanglier et à terre afin de maintenir l’équilibre, et on fera de même pour l’autre jambon. Quant aux jambons de derrière, on les doit disjoindre et couper à la jointure appelée la truffe, par devant le genou haut, tout autour au-dessus du jarret. Et on les doit appuyer sur chaque cuisse afin que le sanglier se tienne droit. Puis on doit fendre la peau sur la verge et fendre tout autour en carré, de deux doigts de chaque côté, puis la tirer à soi et la décharner jusqu’au bas où on la coupera. Puis on doit couper depuis la gorge de part et d’autre entre les deux jambons, tout le long de la poitrine, en élargissant l’entaille en descendant jusqu’au bas du ventre et aux cuisses, et rejeter cela sur la poitrine. Puis on doit couper les os entre la poitrine et les côtes, de chaque côté, jusqu’à la gorge. Puis on doit enlever les boyaux et la panse et tout jeter sur le feu pour les chiens. Certains mangent le glanier du sanglier ainsi que la ratelle et le foie; mais cela doit revenir aux chiens et tout doit être jeté sur le feu. On doit ensuite enlever les nombres, comme j’ai dit du cerf, et c’est le droit en Gascogne et en Languedoc, que celui qui a tué le sanglier de l’épée, sans aide de lévrier ni de dogue, les reçoive en partage. Tout le sang du sanglier doit être gardé dans un récipient pour faire la fouaille aux chiens. Puis on doit tourner le sanglier sur le ventre et enlever l’échine en commençant vers le col, à trois doigts de part et d’autre de l’échine, jusqu’à la queue. Puis on doit couper les os tout le long de l’incision et séparer l’échine des côtés, qu’on appelle lés pour le sanglier et côtés pour le cerf; on dit de même le bourbelier du sanglier et la hampe du cerf. Et quand l’échine est enlevée, les deux lés restent séparés. C’est ainsi que dépècent le sanglier en Gascogne et en Languedoc ceux qui le savent faire; on fait de même en Bretagne, mais, en France, j’ai vu qu’on enlevait la queue du sanglier comme on fait du cerf, et un collier tout autour du col, large de trois doigts environ et tenant à l’échine. Après on doit faire la fouaille et le droit aux chiens de la manière que j’ai dite du foie et de la ratelle. Tous les intérieurs doivent être mis à la fouaille sur le feu, pour faire le droit aux chiens. On doit tourner et retourner les boyaux trois ou quatre fois sur le feu en les battant de bons bâtons jusqu’à ce qu’ils soient cuits et vidés. Et l’on doit prendre du pain, plus ou moins selon le nombre des chiens, en faire des plateaux tout autour, les plonger dans le sang conservé dans le récipient et jeter sur les braises ces plateaux sanglants en les tournant et retournant. Puis on découpera les boyaux et le pain mêlés ensemble avec tout l’intérieur du sanglier. Et quand ce sera refroidi, on appellera les chiens pour les faire manger. On fait la fouaille aux chiens pour deux raisons : l’une est que la chair et le sang du sanglier ne sont ni si plaisants ni si savoureux pour les chiens que ceux du cerf ou autre bête rousse, l’autre que, lorsqu’elle est cuite, cette chair est plus savoureuse et les chiens la mangent bien volontiers. Elle leur fait aussi plus de bien, quand elle est cuite et chaude, que si elle était crue et froide, car, dans la saison où l’on chasse les sangliers, il fait grand froid et il arrive que les chiens aient passé l’eau ou reçu la pluie. De même que le feu, quand ils sont rentrés à l’hôtel, leur fait grand bien à cause du froid et permet de les sécher, de même la fouaille leur fait grand bien, quand elle est cuite, car elle réchauffe tout le corps à l’intérieur. La curée du cerf doit être faite par droit, comme j’ai dit, à l’endroit où on l’a pris, si on a de quoi la faire et s’il n’est pas trop tard. Au contraire, la fouaille du sanglier doit être faite à l’hôtel. Maintenant, si le valet des chiens apprend bien ce que j’ai dit, et aime son métier et y met bonne diligence, et est subtil, et a bonne connaissance et bon sens naturel, je vous promets qu’il sera bon valet de chiens et bon veneur. Vous devez entendre que je ne parle en mon livre ni de la quête, ni du laisser courre au limier, si ce n’est pour le cerf et le sanglier. Quant aux autres bêtes, tant douces que mordantes, je dirai comment chacune se doit quêter, chasser, prendre et dépecer, et comment on doit faire le droit aux chiens, quand j’aurai fait un veneur de cet enfant dont j’ai déjà fait un valet de chiens.