Comment on doit faire le droit au limier et la curée aux chiens

Comment on doit faire le droit au limier et la curée aux chiens. Après quand il aura écorché et dépecé son cerf de la manière que j’ai dite, il doit prendre la tête du cerf et la faire tirer à son limier en lui faisant fête et en lui disant de beaux mots qui seraient trop longs et divers à écrire. Et pendant ce temps, les autres compagnons doivent couper de menus morceaux dans le sang recueilli dans le cuir du cerf. Et s’il a beaucoup de chiens, ou qu’ils aient bien chassé, ou qu’ils soient maigres et pauvres, il peut y faire découper, mêlés avec du pain, les épaules et le cou du cerf, bien que ce soit le droit des veneurs et des valets de chiens. Qu’il y joigne ce qui est dans le corps du cerf, à l’exception des boyaux. Qu’il fasse vider et laver la panse, puis hacher menu avec la curée. Et s’il y veut mettre des cuisses et des côtés, pourvu que la venaison ne soit pas trop grasse, il le peut faire, pour que la curée soit meilleure. Et quand tout sera découpé dans le sang, il doit faire soulever le cuir avec tout son contenu. Puis, retroussant ses manches, il doit tourner et mêler le sang avec la chair et le pain, et les autres valets doivent ôter la feuillée qui était destinée à soutenir le cuir pour empêcher le sang de couler. Les autres valets doivent tenir chacun une verge pour écarter les chiens, jusqu’au moment où ils devront manger. Il doit alors crier aussi fort qu’il pourra en disant : « Tiel au ! », comme quand il a vu le cerf. Et les chiens doivent alors venir manger sur le cuir, et quand ils auront mangé la moitié de la curée ou plus, il doit prendre les boyaux du cerf et, s’éloignant un peu de la curée, les élever avec la main pour que les chiens ne les puissent saisir, et crier encore : « Tiel au ! ». Et les autres valets doivent frapper les chiens de leurs verges afin qu’ils laissent la curée et aillent vers le veneur, en disant tout bas : « Appelle, appelle, appelle ! » et « Outre à lui, outre ! outre ! » Et quand les chiens seront venus à lui, il doit jeter les boyaux parmi eux, et en prendra qui pourra. Et quand ils auront mangé cela, il doit recrier sur la curée : « Arrière, arrière ! » afin que les chiens s’en retournent manger le reste. Puis tous ceux de la vénerie doivent corner la prise, qui se corne comme j’ai dit plus haut. La curée se doit faire là où le cerf se prend, comme j’ai dit. Toutefois, si on la fait à l’hôtel, ce n’est pas trop mauvais; car, quand les chiens ont appris à manger la curée à l’hôtel, s’ils se sont éloignés et ont manqué le cerf, ils s’en reviennent plus volontiers, la nuit, là où ils ont accoutumé de manger leur curée. Pourtant, ce n’est pas toujours une bonne chose : car, quand les chiens sont las et qu’un cerf les fuit de forlonge et par grande chaleur, ils le laissent volontiers et s’en reviennent à l’hôtel, en espérant toujours d’y trouver leur curée prête.