Comment on doit mener les chiens faire la poursuite

Comment on doit mener les chiens faire la poursuite. Après je lui veux apprendre à mener les chiens à la poursuite, car, quand celui qui suit du limier commence sa poursuite, celui qui mène les chiens doit demeurer éloigné au moins à un jet de petite pierre et ne se doit bouger de là jusqu’à ce qu’il entende celui qui suit du limier crier : « Par ci ! par ci ! » Et alors il doit aller avant, avec tous ses chiens accouplés, jusqu’au lieu où il aura entendu que celui qui poursuit du limier aura dit : « Par ci ! par ci ! » Bref, tant qu’il entendra crier : « Par ci ! par ci ! », il doit aller de l’avant. S’il n’entend pas ce mot, il doit demeurer tout coi et aller à une bonne verge devant ses chiens et deux ou trois valets avec lui, et les autres valets se tiendront à côté des chiens et par derrière, afin qu’ils ne se fourvoient point de la menée et des routes par où le limier poursuit, et afin qu’ils ne s’en aillent accouplés. Et quand on viendra au laisser courre, il doit prendre soin de découpler les plus sages chiens les premiers, et bien recueillir ses couples, pour ne pas les perdre. Et il se doit mettre sous le vent pour entendre où ses chiens vont et assister à la prise du cerf et, s’il voit l’animal, savoir comment il le forhuera. Puis je lui veux apprendre, quand la bête sera prise, à regarder combien de chiens lui manquent et à les aller quérir partout environ, là où ils auront chassé, en les appelant et en cornant au-dessus du vent, afin que les chiens l’entendent mieux. Et s’il ne les peut trouver de tout le jour, qu’il s’en aille le lendemain, lui et ses compagnons, quérir les chiens dans les villages de la forêt. Et aussi je lui veux apprendre à mener les chiens s’ébattre deux fois par jour, comme j’ai dit, sur du gravier de pierres, surtout quand ils sont au repos, et à leur faire les ongles avec une petite tenaille; car ils deviennent trop longs quand les chiens demeurent trop en repos, et je n’approuve pas ce repos. J’en ai maintes fois discuté avec Huet de Vantes qui fut un bon veneur, et il y a bien des raisons à cela : d’abord les chiens au repos perdent volontiers les pieds et les ongles et les autres maladies en viennent, comme j’ai dit, maladies que l’enfant doit avoir appris à guérir. Il y a trois choses qui ne doivent pas trop séjourner : les hommes, les bêtes et les oiseaux; les hommes à cause des péchés que j’ai dits et aussi parce qu’ils deviennent gras et que, si le repos se prolonge, ils perdent le goût de travailler de leur métier, qu’ils soient clercs ou laïques; car la chair s’appauvrit. Et s’ils travaillent après un long repos, cela leur fera grand mal et ils tomberont par aventure en une grave maladie. Aussi les chevaux des marchands, qui sont gras et gros et sont au repos, ne pourraient fournir une longue journée de course comme mes coursiers qui sont toujours en haleine. Aussi les faucons et autours ou autres oiseaux, quand ils se reposent au moment de la mue, ne pourraient voler longuement, car ils ne sont ni en mesure de voler ni essimés. Quiconque est de notre métier sait bien que les chiens de séjour, qui sont restés longtemps couchés ne peuvent fournir une longue chasse. Ils ont la bonne volonté, mais le pouvoir n’y est pas, et par la grande volonté qu’ils ont, ils font parfois plus qu’ils ne peuvent, d’où leur viennent de grandes maladies, la rogne et d’autres encore, que j’ai dites plus haut. J’en ai vu beaucoup mourir subitement et de diverses manières; c’est pourquoi je loue que tout homme qui aura bons chiens et sages pour le cerf les fasse courir une fois la semaine, au moins en hiver ; mais qu’il fasse beau temps et chaud, pour peu que la saison soit avancée, et qu’ils ne fassent pas longues chasses par eau ni à force, car le froid des eaux qu’ils passent ou de la température leur ferait grand mal. Quant aux lévriers à haies ou autres engins, il est bon qu’ils soient toujours en haleine et à la voie et à la chair, pour qu’ils n’oublient pas leur métier et que les maladies dont j’ai parlé ne leur viennent pas au repos. Je veux aussi lui apprendre à nourrir les chiens, car il y en a qui sont de mauvaise garde et se tiennent maigres les uns plus que les autres, et d’autres qui sont lunatiques plus ou moins les uns que les autres. Il doit donc savoir que, si un chien ne veut manger de tout le jour et de toute la nuit, il le doit mettre à part des autres et essayer s’il voudra manger, après avoir jeûné tout un jour et toute une nuit, et sinon qu’il lui donne des soupes supplémentaires. Et s’il refuse les soupes et que le jeûne se prolonge, qu’il lui donne de la chair jusqu’à ce qu’il soit guéri. Et si le chien restait longtemps sans manger, qu’il fasse comme je viens de dire. Quant aux chiens qui se tiennent maigres et sont de mauvaise garde, on doit les nourrir à part et leur donner des suppléments deux ou trois fois par jour. Pour les chiens qui se tiennent trop gras, on doit se garder de trop leur donner à manger, surtout s’ils sont au repos, ou pendant l’hiver. Je veux aussi lui apprendre à faire déjeuner les chiens à l’assemblée; il doit leur donner à chacun un demi-pain, afin que la grande chaleur et les eaux qu’ils boiront en chassant ne leur puissent relâcher le coeur. J’ai vu bien souvent, en effet, des chiens qui ne pouvaient avancer; si on leur donnait deux ou trois morceaux de pain, le coeur leur revenait et ils se remettaient en chasse. Et un homme aussi, s’il est bien las et mange et boit un peu, tout le coeur lui reviendra. C’est pourquoi l’on doit faire déjeuner les chiens avant de chasser, surtout quand on chasse à force. Aussi, quand ils sont au chenil, il faut leur donner à manger de bonne heure et deux fois par jour, matin et soir; mais la veille du jour où ils devront chasser ils doivent moins manger et plus tôt que les autres jours, afin qu’ils ne soient pleins le lendemain. Je veux aussi lui apprendre à baigner les pieds des chiens d’eau salée, quand ils auront chassé par dur pays et par temps sec, ou sur des pierres et des roches. Et s’ils ont les pieds échauffés, il doit les laver de vinaigre et de la suie des cheminées. S’il trouve un chien mouillé ou rogneux, il doit le tirer du chenil et le mettre à part, afin que la rogne ne se prenne aux autres, et lui appliquer les remèdes que j’ai dits, jusqu’à ce qu’il soit guéri. Et si les chiens ont les jambes enflées, à cause d’un mauvais pays d’ajoncs et de ronces, qu’il fasse les remèdes que j’ai dits. Toutes ces choses et autres qui touchent à l’office de page, je veux que l’enfant les sache, et il doit les avoir apprises pendant les sept ans qu’il demeurera page, et il aura alors quatorze ans.