Du blaireau et de toute sa nature

Le blaireau ou taisson est assez commune bête; aussi n’y a-t-il pas lieu de le décrire, car il y a peu de gens qui n’en aient vu. De plus, je n’entends guère à parler de lui, car ce n’est pas une bête qu’il y ait maîtrise à chasser ni qu’on chasse par force; car il ne fuit ou ne refuit guère longuement; les chiens, en effet, l’atteignent aussitôt qu’il se fait aboyer, et puis on le tue. Il demeure volontiers dans la terre ou, s’il en sort, ce n’est guère loin de ses fosses. Il vit de toutes vermines et charognes et de tous fruits et d’autres choses, comme le renard, mais il n’ose pas tant s’aventurer de jour, car il ne sait ni ne peut fuir. Il vit plus de sommeil que d’autre chose. Ils font leurs petits une fois l’an, comme les renards et, comme eux, dans les fosses. Quand on les chasse, ils se défendent fort et ont la morsure venimeuse comme le renard. Encore plus fort se défendent-ils que le renard. C’est la bête du monde qui se fait le plus de graisse intérieure, à cause de son long sommeil, et son sain porte remède comme celui du renard. On dit qu’un enfant qui n’aurait jamais porté de souliers, s’il chausse pour la première fois des souliers en peau de taisson, guérira les chevaux du farcin en montant dessus, mais je ne l’affirme pas. Sa chair ne vaut rien à manger, pas plus que celle du renard ou celle du loup.