Du Lévrier et de sa nature

Le lévrier est une telle espèce de chien qu’il y a bien peu de gens qui n’en aient vu. Toutefois, pour expliquer comment le lévrier doit être tenu pour bon et beau, je parlerai de sa manière. De quelque poil qu’ils soient, il y en a de bons et de mauvais. Bonté de lévrier vient de droit coeur et de bonne nature, de bon père et de bonne mère, et on peut bien aider à les rendre bons en les acharnant avec de bons lévriers et en leur faisant bonnes curées de la bête qu’on voudra leur faire prendre, et d’autres manières encore que je dirai quand je parlerai du veneur. Le lévrier doit être moyen, ni trop grand ni trop petit, et ainsi il sert pour toutes bêtes; car s’il était très grand, il ne vaudrait rien pour les menues bêtes et, s’il était très petit, il ne vaudrait rien pour les grandes; toutefois, si on peut les entretenir, il est bon d’en avoir des uns et des autres : grands, petits et moyens. Le lévrier doit avoir longue tête et assez grosse, faite en forme de brochet; bons crocs et bonnes dents en face les uns des autres, c’est-à-dire que la mâchoire inférieure ne dépasse pas la supérieure et réciproquement. Les yeux doivent être rouges ou noirs, comme ceux d’un épervier, les oreilles petites et hautes à la façon d’un serpent, le col gros et souple comme celui d’un cygne, la poitrine grande et ouverte, les flancs un peu rentrés comme un lion, les épaules hautes comme un chevreuil, les jambes de devant droites, assez grosses et pas trop fendues, les pieds droits et ronds comme un chat, avec de gros ongles, le côté long comme une biche et bien rentrant, les râbles de l’échine gros et durs comme une échine de cerf. Et s’il a l’échine un peu haute, cela vaut mieux que de l’avoir plate; il doit avoir petite verge et peu pendante, couillons petits et serrés, le ventre aligné près des râbles, comme une lamproie, les cuisses grosses et carrées comme un lièvre, les jarrets droits et non courbés comme un boeuf, la queue de rat faisant une petite boucle au bout, et pas trop haute, dépassant les deux os du bas de l’échine de la largeur d’une pleine pomme ou plus; il y a pourtant des lévriers à longue queue bons et hardis et rapides à la course. Et le bon lévrier doit aller si vite que, s’il est bien lancé, il doit atteindre toute bête, et là où il l’atteindra, il doit la prendre par où il le pourra le mieux, sans aboyer ni marchander. Et il doit être courtois, sans traîtrise, bien suivre son maître et lui obéir, se montrer doux, net, gentil, gai, joyeux et volontiers gracieux en toutes manières, sauf envers les bêtes sauvages pour lesquelles il doit être félon, méprisant et hardi.