Le Lapin

Le lapin est assez commune bête; aussi n’y a-t-il pas lieu de le décrire, car il y a peu de gens qui n’en aient vu. La lapine porte trente jours et pas plus, et il convient qu’aussitôt elle aille au mâle, sinon elle mangerait ses lapereaux, ainsi que j’ai dit du lièvre; elle porte tantôt deux, tantôt trois, tantôt quatre, tantôt cinq lapereaux. Et qui veut avoir bonne garenne de lapins doit les chasser deux ou trois fois la semaine avec des épagneuls qui s’appellent chiens d’oiseaux, et les faire enclore; car autrement ils vident volontiers le pays, si on ne les tient toujours près de leurs clapiers ou terriers, surtout s’il y passe une hase chaude, comme j’ai dit plus haut. Quand le lapin veut aller à la lapine, il frappe un si grand coup de pied par terre que c’est grande merveille. Et ainsi il s’échauffe et puis saute dessus, et quand il a fait sa besogne, il se laisse choir en arrière tout pâmé et demeure un instant comme s’il était mort. On les prend comme les lièvres et aussi aux furets, quand ils sont dans leurs terriers. La chair du lapin est meilleure et plus saine que celle du lièvre, car celle du lièvre est mélancolique et sèche, plus que celle du lapin. Et quant à la chasse au lapin, j’en parlerai quand je dirai comment on doit chasser et prendre les autres bêtes et lui-même. Et puisqu’on ne le chasse pas à force, encore qu’il y ait bien maîtrise à le chasser, il me semble que j’ai assez parlé de sa nature.