Le Renard
Le renard est assez commune bête, aussi n’y a-t-il pas lieu de le décrire, car il y a peu de gens qui n’en aient vu. Il présente un grand nombre des caractères du loup, car il porte ses petits en aussi grand nombre que la louve, tantôt plus, tantôt moins, ainsi que la louve; toutefois il les fait sous terre bien plus profondément que la louve et il est en chaleur une fois par an. Il a la morsure venimeuse comme le loup, et sa vie n’est pas plus longue que celle du loup. C’est à grand-peine qu’on prend une femelle grosse, car quand elle se sent alourdie, elle demeure toujours environ ses fosses, et si elle entend quelque bruit, elle se cache aussitôt sous terre, avant que les chiens la puissent prendre. C’est une très malicieuse et fausse bête comme le loup. La chasse au renard est très belle, car les chiens le chassent de près, et ils le sentent toujours facilement, parce qu’il fuit les forts pays et que c’est une très puante bête. C’est rarement qu’il consent à quitter un pays et à prendre la campagne, parce qu’il ne se fie ni à sa course ni à sa défense, car il est trop faible, et s’il le fait, ce sera par nécessité et toujours il suivra le couvert; et s’il ne se pouvait couvrir que d’une ronce, il s’en couvrirait. Et quand il voit qu’il n’y pourra durer, il se met dans la terre; et il a ses fosses, qui sont ses forteresses, et qu’il connaît bien. Là on peut bien les prendre en creusant, pourvu qu’ils soient en plat pays et non pas en roches ni en côtes. Si les lévriers le courent, le dernier recours qu’il a, s’il est en plat pays, est de conchier volontiers les lévriers, afin qu’ils le laissent pour la puanteur et l’ordure, et aussi parce qu’il a peur. Un petit lévrier de lièvres qui prend tout seul un renard, fait un bel exploit, car j’en ai bien vu de grands, qui prenaient cerf et sanglier et loup, et qui laissaient bien filer un renard. Quand elle va en amour et qu’elle quiert son compagnon, la femelle crie d’une voix enrouée comme un chien enragé. Et aussi quand elle n’a pas tous ses renardeaux, elle les appelle de la même manière. Le renard ne se plaint pas quand on le tue, mais toujours se défend de tout son pouvoir. Il vit de toutes vermines, de toutes charognes et ordures; mais sa meilleure nourriture et celle qu’il préfère, ce sont gélines et chapons, canes et oies, petits oiseaux sauvages quand il les trouve à point, papillons, grillons, lait, fromage et beurre. Ils font grand dommage aux garennes de lapins et de lièvres, qu’ils prennent et mangent volontiers par leur grande subtilité et malice et non pas à la course. Il y en a qui chassent comme les loups, d’autres qui ne vont qu’aux villages quérir leur proie, comme j’ai dit. Ils sont si malicieux et si subtils que ni hommes ni chiens n’y peuvent remédier ni déjouer leurs ruses. Ils demeurent volontiers dans leurs forts, haies, buissons ou fosses, près des villes ou villages, pour toujours faire mal aux poules et autres choses, comme j’ai dit. La peau du renard est bien chaude pour faire des mouffles ou pelisses, mais ce n’est pas une belle fourrure et aussi elle pue toujours, si elle n’est pas bien préparée. Le sain du renard ou les moëlles sont bons pour l’endurcissement des nerfs. De ses autres manières et malices, je parlerai plus à plein, quand je dirai comment on le doit chasser. On le prend aux chiens, aux lévriers, aux lacs et aux cordes; mais il coupe lacs et cordes comme fait le loup, mais pas si vite.